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Midi Libre

 

Lundi 2 septembre 2002

 

Les mangeurs de melons
ne se prennent pas la citrouille

Tugdual-Gontran-Patrick Bougnaud est breton. Il aime le vélo, la course à pied, et il assume vaillamment la profession de régleur sur des presses à Schneider Electric, dans la Vienne. Mais ce quinquagénaire d’un mètre quatre-vingt-deux pour plus de quatre-vingt-dix kilos, cache, sous une allure de sportif, un estomac habitué à la démesure des ripailles rabelaisiennes.

A Jouels, on le connaît bien ce drôle de vacancier qui vient concourir pour le titre de plus gros mangeur de melon, prétendant terrasser les solides ruraux du cru. Son visage imberbe, son bandana et son petit tablier de cuisinière proprette sur son tee-shirt blanc contrastent singulièrement avec ces silhouettes rondes, béret vissé sur la tête et moustache lustrée voire barbe fournie. Ce sont là deux mondes qui s’affrontent. Celui de la gloutonnerie scientifique, où, selon Tugdual Bougnaud, le mental et le footing matinal tiennent une place prépondérante, contre l’art de banqueter sur un air d’accordéon.
Tugdual l’avait déjà emporté l’année dernière, mais il n’avait pas battu le record (2,470 kgs en dix minutes) détenu depuis 1979. Quand on affiche une liste d’exploits propre à donner la nausée à tous ceux qui chipotent à table, c’est difficile à avaler. Tugdual est ainsi le champion du boudin (500 grammes en 42 secondes). Le roi de la tarte aux pommes (1 kg en 1,42 minute). Il a déjà ingurgité sa hauteur d’éclairs au café (soit 3 kgs en un peu plus de 7 minutes).

Depuis dix-neuf ans qu’il court les estrades des fêtes votives et des foires exposition, dans les effluves les plus variées – il évite seulement les œufs durs, les escargots et les bananes – Tugdual est décidément l’homme à battre. Et hier à Jouels, ses propres couverts en main, il était venu pour en découdre. Depuis quelques semaines, il buvait des quantités phénoménales d’eau, afin de « dilater l’estomac ».

Autant dire que les autres concurrents, dont l’embonpoint fait merveille dans des régions où l’on assimile encore la surcharge pondérale à une forme de prospérité, risquaient de rester sur leur faim.

Quelques jeunes gens un peu frêles, sans trop y croire, ont bien voulu s’essayer. Un adepte de rock, venu pour les concerts des jours précédents, a aussi tenté de varier les plaisirs jusqu’à ce que son estomac se rebiffe, les morceaux de melon mal mâchés jonchant ensuite le plancher du car podium autour de lui. Et oui ; se gaver demande finalement un long apprentissage. Claude Pezet, aveyronnais et ayant donc les faveurs du public, a fini deuxième comme l’année dernière. Avec 2,740 kgs, quand même, et en ayant à peine taché sa chemise.

Tugdual, lui, l’a emporté avec 3,170 kgs. A peine ballonné. Et prêt à repartir dans l’un des 24 départements qu’il sillonne avec une belle constance, histoire de sacrifier, gaillardement, à leurs coutumes gastronomiques.